Bonjour Luc, pour ceux qui ne te connaissent pas, pourrais-tu nous parler de ton parcours en quelques lignes ?
Luc D’Asnières de Veigy: Après avoir terminé mes études secondaires au Pôle France de gymnastique d’Antibes, j’ai intégré l’école de kinésithérapie de St Maurice et l’Institut National des Sports (INSEP).
Une fois diplômé, j’ai retrouvé le Pôle France d’Antibes en tant que kiné assurant la coordination médicale ainsi que le suivi des équipes de France. Soutenu par le Professeur Boileau, Chirurgien de l’épaule dont la réputation n’est plus à faire, nous avons publié sur les « technopathies » du gymnaste, et donc, tout particulièrement sur la pathologie du membre supérieur.
Tout en conservant mon activité libérale, j’ai eu la chance de participer à une aventure extraordinaire, la création, avec une équipe d’ingénieurs et de chirurgiens, d’une société fabriquant des implants chirurgicaux pour le membre supérieur (BIOPROFILE). Chargé de collecter et recenser les résultats post-opératoires dans toute l’Europe, cette activité m’a permis de me perfectionner dans l’anatomie, la biomécanique et les biomatériaux et les statistiques.
Les hasards de la vie m’ont permis de m’installer il y a une dizaine d’années à Monaco dans une activité libérale déconventionnée exclusive sur le membre supérieur.
Tu as introduit l’échographie dans ton exercice au quotidien, pour quelles raisons ?
Luc D’Asnières de Veigy: L’échographie, comme on le verra dans l’article plus précisément «l’échoscopie», est la suite logique du bilan clinique et de l’examen manuel. Celle-ci participe à une évaluation objective nous permettant de donner un pronostic à la rééducation et de pouvoir se déjouer des pièges avant la prise en charge. De plus, c’est un dépistage précieux pour l’équipe médico-chirurgicale car l’on peut apporter une très grande réactivité pour la prise en charge globale d’une épaule.
Quelles sont les limites juridiques à son utilisation ?
Luc D’Asnières de Veigy: C’est une question délicate quand on est précurseur. Il est certain qu’en France, on constate toujours un combat entre les médecins cliniciens et les radiologues pour l’utilisation de l’échographie, ce qui laisse présager l’accueil qui pourrait être réservé aux kinés. Mais quand on se place par rapport à la communauté mondiale, on se rend bien compte que le train est en route, et que l’échographie est vraiment la prolongation de la main pour que chaque spécialiste cherche ses informations. Les limites juridiques sont commentées dans l’article. Il est certain que l’échographie doit servir à nous aider à choisir nos techniques de rééducation, à éliminer les mauvaises indications mais en aucune manière faire un diagnostic initial, c’est pourquoi je précise souvent au quotidien que cette évaluation échographique s’inscrit uniquement dans le suivi de rééducation du patient afin d’évaluer de manière objective les éléments anatomiques susceptibles de modifier le protocole de rééducation. Elle ne remplace et ne se substitue en aucune manière aux échographies réalisées dans le cadre médical du diagnostic.
Mais pour revenir plus précisément aux limites juridiques, je conseille la lecture de l’article : « Qui peut donc faire les échographies ? » par le Dr Vincent HAZEBROUCQ, MCU-PH de radiologie, AP-HP et Université Paris DESCARTES, directeur du D.U. d’imagerie médicolégal.
Quelles sont les limites juridiques à son utilisation ?
Luc D’Asnières de Veigy: Les industriels à l’affût de nouveau marché ont déjà compris que les « kinés français » à l’instar de leurs collègues européens s’équiperont tôt ou tard.
Je pense avoir été l’un des premiers approché car j’évolue dans un environnement socio-économique favorable à Monaco. Certaines sociétés proposent actuellement pour « percer » le marché, un échographe couplé aux ondes de chocs. L’idée semble satisfaisante car elle déjoue de nombreux problèmes : pas de formation, pas de problème juridique, simple repérage, une « cotation » ou honoraire qui s’inscrit dans une technique « non conventionnée ». Je ne recommande pas cette solution de facilité car la qualité de l’image est nettement insuffisante, la démarche est restrictive et finalement cet échographe de mauvaise définition est cher.
Il vaux mieux se retourner vers un échographe d’occasion dédié à l’appareil locomoteur avec une sonde multifréquence de qualité tel le micromax ou le turbo de « Sonosite » (ou équivalent) que l’on peut avoir pour 20.000 €.
On sait que l’échographie est un des examens les plus opérateurs dépendant, combien de temps faut-il pour se former à l’examen de l’épaule ?
Luc D’Asnières de Veigy: L’échographie requiert un apprentissage méthodique, mais notre formation clinique et d’anatomie est un excellent «pré-requis» pour être formé. La technologie des appareils et la qualité de l’imagerie ont beaucoup progressé, limitant ainsi la notion d’«opérateur dépendant». Deux études ont comparé radiologue débutant et expert, ainsi que chirurgien et radiologue . Ces études démontrent qu’il n’y a pratiquement aucune différence entre «expert» et pratiquant, et pas de différence significative entre radiologue expert et radiologue non spécialiste ; on peut penser que désormais, il vaut mieux parler de «matériel dépendant».
Les industriels assurent des formations satisfaisantes cependant il me parait indispensable de parfaire cette pré-formation en rejoignant une formation ciblée. Par exemple, les chirurgiens orthopédistes peuvent passer désormais un DIU d’échographie du membre supérieur, un groupe de recherche et d’étude de l’échographie du membre supérieur a été créé (le GREEMS), sinon en France pour l’instant pour les kinésithérapeutes il n’y a pas de véritable formation. J’ai vu passer il n’y a pas longtemps une formation sur l’échographie musculo-squelettique en 2×3 jours chez « kinesport» par des physiothérapeutes américains et canadiens ce qui est un bon début mais pas réellement une formation. Personnellement je vais organiser en association avec des chirurgiens de l’épaule, une formation uniquement sur l’épaule à Monaco pendant deux jours début 2015.
Sinon on peut se former en Angleterre (par exemple : University of Salford Manchester, Wrightington upper limv unit : Shoulder ultrasons masterclass…) mais la formation est en anglais.
Quelles pistes pour l’avenir ?
Luc D’Asnières de Veigy: En ce moment je travaille avec un chirurgien de l’épaule que j’ai « converti à l’échographie » sur la ténotomie percutanée isolée du long biceps sous échographie, dont l’indication est la personne très âgée ne pouvant prétendre à une arthroscopie classique. Bien entendu pour ma part c’est tout le travail sur l’imagerie du biceps qui m’intéresse car comme je le commente dans l’article le biceps est souvent une pathologie qui parasite le résultat de la rééducation.
Nous travaillons aussi sur une manoeuvre échographique permettant de visualiser les biceps en « sablier », ainsi que l’involution graisseuse des muscles de l’épaule (que l’on décrit en IRM: classification de Goutallier).