LA RÉPARATION SOUS ARTHROSCOPIE DES LÉSIONS DE LA COIFFE DES ROTATEURS
(indications – résultats – technique)
Parution : La revue médicale
Par : C. Charousset
INTRODUCTION
Le traitement d’une rupture de la coiffe des rotateurs dépend de son extension, de l’importance de rétraction tendineuse, du stade de dégénérescence musculaire et de facteurs liés au patient (âge, activité professionnelle).
Le bénéfice des réparations chirurgicales « à ciel ouvert » est connu depuis de nombreuses années (11,19,20,21,32,36,37,39).
Le développement de l’arthroscopie de l’épaule a prouvé rapidement son efficacité à visée antalgique dans les décompressions ou acromioplastie (4,7,8,9,12,23,24,25,31) puis dans les débridements (acromioplastie ou ténotomie de longue portion du biceps) (43) des ruptures massives de la coiffe des rotateurs. Depuis 5 ans, de nombreux travaux (1,2,5,6,10,13,14,15,16,17,27,40,42,45,46) confirment d’excellents résultats dans les réparations des lésions tendineuses sous arthroscopie.
INDICATIONS DANS LES RUPTURES DE COIFFE
Aucune étude n’a, à ce jour, donné d’indications bien définies pour la réparation des tendons de la coiffe sous arthroscopie.
Aux vues des résultats à long terme des acromioplasties seules (8,12,30,31,47), il apparaît que plus le patient est jeune et actif, plus la réparation se justifie afin de récupérer non seulement l’indolence mais la mobilité active et surtout la force.
Les limites de la technique sont liées au degré de rétraction tendineuse et de dégénérescence graisseuse. Une réinsertion n’est possible que si la rétraction tendineuse est distale ou intermédiaire et l’involution graisseuse limitée (de stade I ou II selon la classification de Bernageau).
Dans le cas très particulier des ruptures massives du sujet âgé sans arthrose s’accompagnant d’une impotence fonctionnelle douloureuse très invalidante, l’acromioplastie ou une simple ténotomie de la longue portion du biceps donnent des résultats très satisfaisants à visée antalgique. En effet Thomazeau (43) rapportant les résultats d’une étude multicentrique de la SFA, retrouvait 77,6% de patients subjectivement très contents ou contents de leur intervention.
Résultats cliniques
Les résultats de notre expérience (5,6) ainsi que ceux de nombreuses études récentes (1,10,14,15,17,27,29,42,45,46) confirment les bons résultats cliniques et la faible morbidité des réinsertions du sus épineux sous arthroscopie :
- Le score de Constant est en moyenne dans notre série (5,6), de 82,95 sur 100 points, ce qui correspond aux scores des autres séries.
- La durée d’hospitalisation est en moyenne de 2 à 3 jours, soit plus courte que dans la technique classique à ciel ouvert : 5 à 8 jours.
- Aucune complication locale ou générale n’a été retrouvée.
- La récupération fonctionnelle post-opératoire dans notre série (6) nous est apparue beaucoup plus rapide que celle dont nous avions l’habitude dans la chirurgie à ciel ouvert, avec un gain objectif moyen de 37,8% du score de Constant dès la première année post opératoire, probablement du fait du respect du deltoïde, avec un retour aux activités quotidiennes et professionnelles plus rapide.
- En outre l’étude de Wolf (46) a prouvé que ces résultats se maintenaient avec un recul de près de 10 ans. Dans le cas très précis des ruptures massives de la coiffe des rotateurs, sans arthrose , mais extrêmement invalidantes sur le plan des douleurs, la simple ténotomie du long biceps donne d’excellents résultats (43) avec un gain objectif moyen de 27,3% du score de Constant au recul maximum.
Cette réinsertion sous arthroscopie présente toutefois des inconvénients :
- La technique est difficile et impose une courbe d’apprentissage parfois longue.
- Elle nécessite une instrumentation adaptée et complète.
TECHNIQUE DE LA REINSERTION ARTHROSCOPIQUE
Anesthésie Installation (figure 1)
L’intervention se déroule sous bloc interscalénique plus ou moins complété par une anesthésie générale. Un cathéter interscalénique est laissé en place afin de permettre une analgésie post-opératoire sur mesure chez ces patients hospitalisés 24 à 48 heures.
L’installation se fait en position demi-assise avec traction antérieure du membre supérieur, ne dépassant pas 10 % du poids du corps.
Voies d’abord (figure 2)
Deux ou trois voies d’abord sont utilisées.
– L’optique est mise en place par la voie postérieure.
* Il autorise un premier temps d’inspection intra-articulaire gléno-humérale.
Il permet une étude des cartilages, du bourrelet glénoïdien, des ligaments gléno huméraux, de la longue portion du biceps (trophicité, insertion glénoïdienne, stabilité dans la coulisse bicipitale testée par des mouvements de rotation du bras), des 2 faisceaux du ligament coraco huméral, du tiers supérieur du tendon sous-scapulaire, explorée par sa face profonde.
Cette vue articulaire permet une première étude des tendons sus- et sous-épineux par leur face inférieure: rupture partielle profonde ou transfixiante, extension antéro-postérieure de la rupture, rétraction frontale en cas de rupture transfixiante, épaisseur de la rupture selon la classification de Ellman en cas de rupture partielle.
* Le deuxième temps d’inspection est sous acromial, par la même voie cutanée postérieure. Il autorise une étude des tendons sus- et sous-épineux par leur face superficielle.
– La voie latérale permet le geste opératoire (figures 3. Après bursectomie, la résection du ligament acromio-coracoïdien et l’acromioplastie sont réalisées systématiquement, puis le geste de suture avec positionnement des ancres trochitériennes pour la réinsertion de la coiffe.
– La voie antérieure n’est effectuée qu’à la demande à visée opératoire : réparation des structures intra-articulaires gléno-humérales, complément de réinsertion du bord supérieur du sous scapulaire, ténotomie ou ténodèse de la longue portion du biceps.
Figure 3 :Réinsertion des tendons sus- et sous-épineux par voie latérale : on teste la mobilité et les possibilités de repositionnement anatomique des tendons, à l’aide d’une pince préhensive. Le tendon est avivé à la pince basket et au shaver. Le site de réinsertion de la coiffe sur le trochiter est fraisé sur toute sa surface sur une épaisseur de 1-2 mm. On perfore de façon transfixiante le tendon à au moins 5 mm de son extrêmité. L’ancre est introduite, puis un nœud de pêcheur est réalisé et descendu au pousse-nœud. La répartition des points d’ancrage dépend de la largeur de la rupture, une rupture complète du sus épineux nécessitant habituellement 2 à 4 ancres. L’étanchéité de la coiffe et la qualité du contact entre tendon et trochiter sont appréciées en fin de réinsertion.
Suites opératoires
Immobilisation par écharpe coude au corps sans coussin d’abduction.
Le cathéter anesthésique permet dans les suites immédiates d’éviter le réveil brutal du patient par la douleur. Ce phénomène du réveil anesthésique brutal lorsqu’il n’est pas contrôlé a pu être incriminé à l’origine de certaines ruptures itératives précoces.
La rééducation est débutée dès le premier jour post-opératoire avec mobilisation passive de l’épaule par travail pendulaire autorisant une récupération complète des amplitudes. Le travail actif vrai du sus épineux n’est autorisé qu’à la 6è semaine lors du sevrage de l’écharpe.
Résultats radiographiques
Notre série de réparations arthroscopiques contrôlées par arthroscanner (5,6) montre qu’à 6 mois, 84,44% des réinsertions arthroscopiques ont permis une cicatrisation sur le trochiter, avec seulement 15,56% d’échecs, ce qui rejoint les résultats des autres études arthroscopiques et à ciel ouvert (17,19).
CONCLUSION
L’arthroscopie représente une excellente alternative à la chirurgie à ciel ouvert dans le traitement des ruptures de la coiffe des rotateurs.
Cette technique a fait ses preuves depuis plusieurs années et les études de cicatrisation tendineuses confirment des résultats équivalents aux techniques chirurgicales mais avec une moindre morbidité et surtout une récupération fonctionnelle bien plus rapide.
Cette technique, d’apprentissage difficile, ne doit être réalisée que par des chirurgiens exercés à l’arthroscopie de l’épaule.
Les progrès techniques et des chirurgiens permettront à la réparation arthroscopique de prendre une place de plus en plus importante dans la chirurgie de la coiffe des rotateurs.
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