Parution : La revue médicale
Par : L. Païdassi – P. Oddoux
Depuis 20 ans, la prise en charge ambulatoire de l’épaule opérée n’a pas évolué de façon aussi radicale ou novatrice que les techniques chirurgicales et la durée d’hospitalisation.
A la suite de Neer, des protocoles standardisés ont été formalisés, ils s’imposent parfois de façon inadaptée aux différents patients et aux praticiens rééducateurs libéraux avec le risque d’une grande variation d’évolution. Le principe d’une récupération auto passive quasi exclusive et suffisante par le patient lui seul, ou celui d’une immobilisation prolongée plusieurs semaines avant début de la kinésithérapie conduisent parfois à des complications sources d’allongement des délais de guérison.
Il existe un consensus sur les principes de la rééducation : respecter la technique chirurgicale et les délais de cicatrisation, récupérer les amplitudes articulaires et les rétractions, le travail postural et de l’harmonie fonctionnelle, la récupération différée de la force musculaire en insistant à chaque fois sur l’auto rééducation adaptée au bilan initial. Mais l’application à toutes les situations de protocoles standardisés souvent différents n’est pas toujours adaptée à la rééducation en cabinet libéral.
Les problèmes rencontrés
Malgré une sédation efficace des douleurs et une explication correcte et vérifiée des consignes, les problèmes se posent souvent dès le premier jour post opératoire et de la sortie : tout va parfois trop vite pour le patient désemparé qui n’est plus encadré.
- Impossibilité de remettre correctement l’attelle par le patient, son entourage ou les soignants. Troubles trophiques et circulatoires par garrotage, crispation et contractures douloureuses , inquiétude à l’origine d’une évolution algodystrophique possible.
- Crainte de se faire mal ou de détériorer la chirurgie réalisée, recrudescence mal contrôlée des douleurs conduisent au retard voire à l’absence de mobilisations par le patient . Dans d’autres cas c’est la paralysie de l’équipe de rééducation occasionnée par des consignes ou paroles excessives ou comprises comme telles par l’opéré(ne pas toucher le malade, ne pas enlever l’attelle) qui feront perdre un temps précieux. D’autres patients laissés à eux-mêmes vont au contraire dévier vers des mobilisations intempestives ou l’absence de protection.
- Evolutions imprévisibles et aigües confrontées aux difficultés de modifier les délais de contrôle programmés par le service de chirurgie.
Nous avons développé depuis plus de 20 ans une organisation méthodique orientée vers la simplicité en ambulatoire, l’adaptation aux situations rencontrées, le respect du travail chirurgical réalisé, l’encadrement du patient et du thérapeute de rééducation, la conformation aux recommandations professionnelles.
Les suites post opératoires immédiates sont expliquées avant l’hospitalisation et un rendez vous fixé au 10ème jour après l’intervention. Quelques jours après que le patient soit rentré au domicile, il est contacté au téléphone : on vérifie l’absence de problème ou de besoin spécifique et on confirme le rendez vous de la semaine suivante.
Cette consultation programmée est donc assez proche de l’intervention, elle apporte un grand confort et rassure le patient, son traitement médical est adapté si besoin. On lui explique le compte rendu opératoire, les gestes réalisés, la justification des délais et de la durée de protection par l’attelle, les techniques qui seront employées en rééducation. La bonne réalisation des consignes est ensuite vérifiée : installation et port correct de l’attelle, la toilette, l’habillage, les positions et postures (assis, pour la nuit), toutes situations auxquelles il vient d’être confronté, parfois avec difficultés. On vérifie aussi la bonne compréhension et réalisation correcte des exercices d’auto mobilisation. La kinésithérapie est enfin organisée : début programmé aux semaines 2 ou 3 selon les circonstances en précisant les techniques selon l’opération et les gestes réalisés, avec balnéothérapie quand cela est possible.
La rééducation précoce privilégie au début la récupération naturelle des amplitudes par la vérification et la répétition des techniques auto passives et la balnéothérapie. Mais le kinésithérapeute intervient manuellement dès les premières séances et tout au long de l’évolution. Mobilisations et glissement de la scapulo-thoracique, redressement postural dorsal guidé et prise de conscience du relâchement des fixateurs de la scapula après auto-contractions, mobilisations et travail à distance du coude au poignet, massages et mobilisations manuelles douces en traction du cou sont parmi d’autres techniques une aide irremplaçable au travail personnel du patient. Plus encore, les mobilisations passives en relâchement complet en flexion, abduction, rotation doivent être réalisées sans douleur, dans le plan de la scapula, en respectant bien sur les amplitudes et délais autorisés. Il ne s’agit alors pas de chercher à gagner des amplitudes, mais d’accompagner le gain naturel, en empêchant les crispations, contractures et dyskinésies. Le port de l’attelle est continué dès la fin de séance.
Une visite de contrôle est programmée entre le 30 ème et 40 ème jour avec contrôle radiographique. Quelles sont les données du bilan et diagnostic de kinésithérapie effectué au début de la prise en charge ? Comment s’est passé ce début de rééducation ? L’examen objective souvent à ce stade précoce une mobilité déjà satisfaisante. On récapitule les gestes et activités autorisés au quotidien, on adapte la rééducation.
La suite de la rééducation est classique avec l’introduction progressive d’un travail plus actif mais toujours encadré, sans aucune mécanothérapie. Les techniques aidées sollicitent la proprioception et le centrage huméral, l’éviction des dyskinésies et conflits ou accrochages par le contrôle adéquat de la scapula. Le renforcement musculaire intervient après récupération complète des amplitudes, le réentrainement sportif après éventuel test isocinétique quantifiant un déséquilibre ou une insuffisance de récupération de la force exposant au risque de blessure précoce.
Nous avons la conviction d’assurer en ambulatoire un « Service Après Chirurgie » dans la simplicité et le confort du malade, s’adaptant rapidement au patient, aux différentes situations pathologiques ou d’objectifs. Pour nous, l’unicité ou la standardisation d’un protocole n’est pas souhaitable. La non remise en cause de ce protocole en cas d’évolution défavorable est une perte de temps peu acceptable. L’objectif d’obtenir avec un protocole unique de rééducation ambulatoire un bon résultat reproductible nous semble peu réaliste.