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Rééducation des prothèses anatomiques

Par : T. Marc – D. Rifkin – T. Gaudin – J. Teissier – F. Bonnel

INTRODUCTION

Les prothèses anatomiques sont mises en place pour des atteintes de l’articulation gléno-humérale (omarthrose, osteonécrose de la tête, cals vicieux postraumatiques) avec une coiffe préservée. La particularité essentielle de leur rééducation réside dans la voie d’abord utilisée pour leur mise en place ; c’est le subscapulaire qui est désinséré puis réinséré pour mettre en place l’implant. La qualité du résultat fonctionnel et la longévité de l’arthroplastie seront en partie fonction de la bonne mobilité passive de la néo-articulation et du bon équilibre des parties molles et en particulier des muscles péri-articulaires.

LA REEDUCATION

En postopératoire, une immobilisation sur orthèse thoraco-brachiale est mise en place pour une durée de 4 semaines avec un sevrage progressif sur 2 semaines.

Le premier but de la rééducation est de récupérer la mobilité passive des articulations scapulo-humérale et scapulo-thoracique. Ces deux articulations sont souvent limitées en préopératoire. La première à cause de l’arthrose qui en a limité progressivement l’amplitude. La capsule et les muscles se sont progressivement adaptés aux limitations et devront se réadapter progressivement aux amplitudes autorisées par l’implant. La seconde est souvent limitée par l’arthropathie dégénérative de l’articulation acromio-claviculaire qui est quasiment systématique dans cette tranche d’âge et par la contraction antalgique des muscles abaisseurs.

Le deuxième but de la rééducation est de restaurer un bon équilibre des forces dans le plan horizontal et vertical. Comme cela a été démontré, cet équilibre repose quasi exclusivement sur le muscle infra-épineux. Dés les premiers jours postopératoires, des courants excito-moteurs sont donc appliqués sur l’infra-épineux. Etant donné que la surface de la fosse infra-épineuse ne permet pas d’y placer les 2 électrodes, la deuxième est placée sur le supra-épineux. Cette stimulation précoce permet de récupérer la fonction de centrage de la coiffe des rotateurs qui devra être fonctionnelle dés que les mouvements actifs pourront être débutés (après récupération de la mobilité passive). Cette récupération se fait ainsi, sans générer de tension et de mouvement susceptible de provoquer une inflammation.

Ces 2 buts seront poursuivis pendant toute la phase postopératoire, que l’on peut diviser en 4 phases :

Phase 1 passive (J 1 à J 21) :

Le rééducateur effectuera :

  • Une récupération de la mobilité passive en élévation antérieure dans le plan de l’omoplate.
  • Une stimulation électrique fonctionnelle (SEF) des muscles supra et infra-épineux pendant 30 minutes.
  • Un entretien de la mobilité active du coude.
  • Une mobilisation très douce des rotations médiale et latérale sur l’orthèse d’abduction.
  • Une mobilisation des glissements antérieurs et postérieurs de l’acromio-claviculaire.
  • Une mobilisation de l’articulation scapulo-thoracique en glissements verticaux et transversaux.

L’articulation scapulo thoracique

Pour améliorer la récupération fonctionnelle de ces patients, il faut optimiser le fonctionnement de l’articulation scapulo-thoracique. L’articulation acromio-claviculaire doit être mobilisée analytiquement et progressivement si elle est douloureuse. Les douleurs cèdent en général lorsque le patient retrouve une certaine mobilité qui autorise une meilleure lubrification cartilagineuse et diminue les hyperappuis. Sa mobilisation et son déblocage sont favorisés par les mouvements d’anté et de rétropulsion des épaules. Le relâchement du petit pectoral permet de redonner de la mobilité à la scapula favorisant ainsi sa bascule lors de l’élévation. Tous les mouvements de la ceinture scapulaire doivent-être effectués en actif, actif aidé et passif (si nécessaire) pour récupérer des amplitudes maximums. Le mouvement d’antéposition permet de récupérer parfois le geste « main-fesse » en exploitant au maximum la rotation médiale produite par le glissement de la scapula sur le thorax.

L’articulation scapulo-humérale

Les amplitudes de mouvements doivent être travaillées en passif et en analytique en flexion et en abduction. Il y a toujours une main qui mobilise (avec la prise précédemment décrite) et l’autre qui est placée sur la tête humérale de façon à contrôler le bon fonctionnement. Pendant la mobilisation, il faut garder présent à l’esprit les principes de biomécanique énoncés plus haut, pour faciliter le bon fonctionnement de la néo articulation. La mobilisation en rotation se fait en position R1, R2 et R3. Dans le cas ou le membre supérieur est sur une orthèse d’abduction, les rotations en R1 ne sont pas travaillées. Toute la vigilance du kinésithérapeute doit se porter lors de la rotation latérale qui met en tension le sub-scapulaire réinséré. Pour éviter une contraction du muscle pendant que l’on effectue une rotation latérale passive, qui mettrait brusquement le tendon en tension, il faut demander au patient une rotation latérale active. Le kinésithérapeute assiste le mouvement qui doit être arrêté dés que la moindre résistance apparaît. C’est la répétition des mouvements qui permettra de récupérer progressivement l’amplitude. Il faut penser que le muscle s’est adapté au déficit d’amplitude préopératoire en diminuant son nombre de sarcomères. Le gain ne peut se faire que sur une période de plusieurs mois. Il faut s’informer du degré de dégénérescence graisseuse du muscle qui accroît la rétraction musculaire. Le rééducateur doit reconnaître les signes cliniques décrit par Miller qui accompagnent la rupture de ce tendon : douleur, faiblesse en rotation interne, augmentation de la rotation latérale et instabilité antérieure. Des exercices de mécanothérapie, en position assise, peuvent être réalisés dés les premiers jours postopératoires. La suspension axiale avec ancrage au dessus de l’épaule permet de travailler l’adduction et l’abduction horizontales ainsi que les mouvements de la ceinture scapulaire .Un montage auto passif facilite la récupération de l’élévation. Cet exercice ne doit jamais déclencher de douleurs.

Dés les premiers jours il faut mettre en place un programme d’électro-stimulation des muscles supra et infra-épineux. Les séances durent 30 minutes et sont poursuivies jusqu’à ce que le relais soit pris par la tonification contre résistance. Pendant cette phase, des exercices de verrouillage bras au zénith sont effectués si cette position est atteinte facilement et sans douleur.

A l’issue de cette première phase, l’épaule doit avoir une bonne mobilité passive, être non douloureuse et avoir une coiffe fonctionnelle capable de s’opposer aux forces ascensionnelles générées par les autres muscles.

Le passage à la phase 2 est conditionné par les critères suivants :

  • Pas de douleur spontanée.
  • Pas de douleur lors du verrouillage actif en élévation au zénith.
  • 70% de la mobilité passive normale.
  • Bon rythme scapulo-huméral.

Phase 2 active aidée (3ème à 8ème semaine) :

Le changement de phase est en fait progressif. A l’actif aidé succède progressivement l’actif si l’équilibre musculaire est de bonne qualité. C’est le muscle infra épineux qui doit être tonifié pour bien stabiliser la tête humérale. Il faut toujours veiller au bon équilibre entre la coiffe et le deltoïde. Tout déséquilibre en faveur du deltoïde ne manquerait pas de provoquer une ascension de la prothèse aboutissant dans un premier temps à des douleurs par conflit avec compression de la coiffe sous la voûte, puis à une rupture secondaire avec une détérioration du résultat fonctionnel et risque de descellement de l’implant glénoïdien. Si ce déséquilibre se produit, il faut revenir à la phase passive en attendant que la coiffe ait une tonicité suffisante. La tonification des rotateurs latéraux se fait au début en isométrique en position RE1. La quantité de travail sera augmentée très progressivement en l’absence de phénomènes douloureux. A aucun moment un travail avec des haltères ou contre tous systèmes produisant une résistance à la flexion ou à l’abduction ne doit être réalisé.

Si la rotation médiale est limitée, la récupération se fait coude en extension dans le plan de la scapula pour ne pas y associer d’extension gléno-humérale. La mobilisation passive est poursuivie pour récupérer les amplitudes déficitaires. C’est à ce stade que peuvent être effectuées des manoeuvres de mobilisation spécifique pour améliorer la mécanique rotatoire telle que nous les avons précédemment décrite. La récupération des mouvements passifs et actifs en est facilitée, avec des gains importants parfois en une seule séance. Elles permettent un meilleur engagement de la coiffe sous la voûte acromiale.

Le programme de rééducation comprend :

  • Des mobilisations en actif aidé en élévation antérieure.
  • Une mobilisation des rotations en position RE1 (pour la rotation médiale : travail bras le long du corps, pour ne pas distendre l’intervalle des rotateurs).
  • Un relai SEF des supra et infra épineux par un travail isométrique des rotateurs latéraux contre légère résistance (OrthoBand).
  • Une récupération d’une mobilité scapulo-thoracique optimale (relâcher le muscle petit pectoral).
  • Un travail des fixateurs de la scapula (trapèze inférieur).
  • Des mobilisations spécifiques de dégagement de l’espace sous acromial (méthode CGE).

Critères de changement de phase (CCP) :

  • Mobilité passive = à 80% de la mobilité normale.
  • Mobilité active : mobilité passive.
  • Pas de douleur spontanée.
  • Pas de douleur au test de Jobe.

Phase 3 active (2ème à 4ème mois) :

La phase 3 est une phase de récupération fonctionnelle au cours de laquelle s’effectue le sevrage de la rééducation. Les critères pour débuter ce sevrage sont : une mobilité passive gléno-humérale satisfaisante en flexion, abduction et adduction horizontale, un bon équilibre des forces dans le plan vertical et horizontal, un bon rythme scapulo-huméral témoignant en général du bon équilibre des forces et enfin une absence de douleur. Cette indolence témoigne en général du bon respect des conditions précédentes. Le sevrage va s’effectuer en passant d’un rythme quotidien, à 3 puis 2, puis 1 séance par semaine.

Au cours de cette phase, la capsule postéro inférieure est étirée grâce au mouvement de cross-arm réalisé par la main controlatérale et par l’élévation des 2 mains (doigts entrecroisés) au dessus de la tête. La tonification des rotateurs latéraux est effectuée contre résistance élastique en position RE2 (X séries de 10 mouvements). Le subscapulaire sera travaillé grâce au shoulder shrug décrit par Hintermeister.

Le patient ayant plutôt tendance à surutiliser son épaule dans les activités quotidiennes il est contre indiqué d’effectuer des exercices répétés d’élévation active lors des séances de rééducation.

  • Travail spécifique du subscapulaire du 3ème mois à la récupération complète (6ème mois).
  • Etirement de la capsule postérieure par une adduction horizontale de la gléno-humérale.
  • Travail des rotateurs latéraux en position RE1 et RE2.
  • Reprise progressive des activités de la vie journalière.

Phase 4 auto rééducation (au-delà du 4ème mois) :

Reprise d’activités et bilan

La reprise d’activité doit être contrôlée par le kinésithérapeute. Healy en a défini certains critères qui méritent d’être rappelés. Lorsque l’on conseille le patient il faut prendre en considération le fait que l’arthroplastie soit sur l’épaule dominante ou non. Dans tous les cas, la reprise d’activités doit être progressive. L’apprentissage d’un nouveau sport doit être déconseillé car il augmente considérablement le risque d’incidents. Les sports de contacts et à risque doivent être évités. Mais mieux vaut expliquer, informer et éduquer que d’interdire. Il faut savoir qu’en règle générale les patients de moins de 60 ans sont 30% plus actifs que ceux de plus de 60 ans. Le nombre de cycles effectués par l’épaule est corrélé au nombre de particules de la dégradation des implants. Ces particules sont un facteur d’ostéolyse. Les mouvements répétitifs, de grandes amplitudes sont donc à déconseillés.

Le programme d’autorééducation sera :

  • Auto-passif en flexion (mains avec doigts croisés au dessus de la tête)
  • Etirement de la capsule postérieure par le travail de l’adduction horizontale.
  • Travail des rotateurs latéraux (en isométrique avec OrthoBand).

La surveillance clinique et radiologique

  • Algoneurodystrophie (SDRC de type 1)
  • Désinsertion subscapulaire se traduisant par une augmentation de la rotation latérale coude au corps.
  • Instabilité prothétique : contrôle radio mensuel durant 3 mois puis au 6ème mois et à 1 an.
  • Risque de souffrance du nerf ulnaire au coude.

CONCLUSION

Les arthroplasties anatomiques permettent de retrouver une anatomie quasi normale de l’épaule. La qualité de la récupération fonctionnelle dépendra de l’équilibre des tissus mous (capsule et coiffe des rotateurs). Le principal challenge est de mobiliser le subscapulaire pour lui redonner un glissement excentrique et concentrique tout en le laissant cicatriser. La raideur est toujours corrélée aux mauvais résultats fonctionnels et doit-être évitée.

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